Ich binh ein zygeuner
Désodoriser le peuple
"Depuis que je suis rentré de là où j'étais, j'ai très envie d'être là où je serai."
Un truc d'air, probablement.
C'est que ça ne sent pas la rose à cet instant précis de notre histoire nationale, trouvez pas?
C'était pendant les vacances d'été, à la campagne.Je devais avoir 14 ans et j'avais rejoint (en Mobylette, siouplait) mes copains à la fête au village.
Les manèges et attractions, la pêche aux cadeaux, les auto-tamponneuses, les barbes à papa, les flonflons n'étaient pour la bande de petits jeunes que le prétexte à l'éveil d'une opportunité amoureuse.
Au stand de tir j'alignai les records: cadeaux foireux genre peluches ignobles, vins mousseux, trucs idiots s'accumulaient. Ma bande criait des hourras, Madeleine la soeur de mon pote Jean-Marie me faisait les yeux doux. Josyane, qui était une vieille de 17 ans, se frottait contre moi.
Ma tête commençait à tourner, puceau et catho que j'étais, soudainement troublé par les rondeurs et douceurs de ces filles. Imperturbable, semblable à une jeune Sofia Loren dans le film Boccace 70, la jeune gitane qui tenait le stand chargeait mon fusil, prenait des poses altières et me récompensait en primes-cadeaux.
Au soir tombé, j'entrainai Madeleine un peu en-dehors et roulai ma première pelle.
Dans les fourrés alentour mes copains nous épiaient, riant comme des crétins de nos âges. J'enlaçai Madeleine pour un autre baiser comme au cinoche quand soudain la gitane du stand de tir surgît.
Sans rien dire elle nous écarta l'un de l'autre et, me fixant droit dans les yeux, se mit à danser.
Sa robe moirée virevoltait, reflétant les lumières du bal. Alors qu'elle tournoyait sur elle-même, ses jambes révélées par le mouvement, mes amis puis des curieux s'approchèrent. Nul ne parlait: les gens de la campagne, le fils de bonne famille que j'étais, ma (nouvelle) petite copine, un ou deux forains, tous fixaient la magie, le charme de la tentation.
La fille dansait, dansait, tournait sur elle-même, me regardant toujours, sans sourire, son port de tête disant bien où était la noblesse.
Soudain, elle s'arrêta.
Sans accorder la moindre attention à ce qui nous entourait elle alla droit sur moi, prit ma main et m'entraîna hors du cercle, jusqu'à une caravane.
Depuis, si pour tout le monde les nomades ne font que passer, je sais que pour le gitan les gadjo ne sont que les occupants intermittents d'un décor qui défile.
En 2005,6,7 l'odeur de racaille heureusement lavable au Karcher® venait de la jeunesse des cités, désignée débile, violente, malhonnête, inculte, sans emplois, non-intégrée bien que parfois intégriste, et pas contente.
Mais faut varier.
Aujourd'hui donc c'est les Roms (dîtes à un Roumain qu'il est gitan et il vous crache à la gueule), qui seraient à la fois des Roumains, des Romanichels et des "gens du voyage" (terme de chiotte, mais si on dit Tzygane ça renvoit à, heu... Bon, les Allemands disent Zigeuner, et le disaient déjà en 1940).
Ces Bohémiens sans emplois, mendiants, exploiteurs d'enfants qui saignent notre Sainte Sécu et nos allocs tout en roulant dans des caisses de luxe, de préférence allemandes nous précise Brice le Moite toujours serviable.
Nos édiles élues en difficulté sur leurs plans de carrière ont sorti le vieux truc: bannir les faibles, pauvres, pas d'ici, non-intégrés et persécutés chez eux .
Vaporiser le parfum épurateur des charters sur ces gens qui ne se lavent pas dans les salles de bains qu'ils n'ont pas, n'envoient pas leurs gamins à l'école qui ne veut pas d'eux puisqu'ils n'ont pas le droit de rester, et ne bossent pas dans les entreprises qui les refusent.
Ces gens puent l'Autre.
Or l'Autre a ce parfum insupportable: la senteur dégeu du dehors.
Donc le Rom, pour aujourd'hui.
Peu de mal législatif supplémentaire leur sera fait ici, mais le vrai mal est ailleurs: il est dans la parole de haine ostraciste désormais officialisée par les déclarations des loubards qui nous gouvernent, eux-mêmes parfaitement intégrés mais persuadés de ne pas refouler des aisselles.
Un discours puant qui se répand hélas dans presque toute l'Europe, au même moment.
Les nomades sont-ils malhonnêtes, et les sédentaires des références de probité?
Comment ceux qui vivent sur la route ont-ils réussi à survivre malgré la méfiance voire la haine qu'ils suscitent?
Pouvons-nous admettre que la notion de nationalité soit floue pour celui qui fait tourner la Terre, vaseuse pour celui qui pense que l'individu a encore droit à l'existence, irréelle pour l'astronome?
leblase va t'il continuer à vous infliger ses mémoires?
N'est-il pas possible à certains de comprendre qu'il est des peuples qui meurent s'ils prennent place?
Franc-tireur n'est-il pas un plus joli mot que sniper?
Avez-vous déjà gagné un lapin en fourrure synthétique bleue?
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