Version imprimable Radieux

De la méduse

"Ce n'est pas le nuage qui fait l'ombre, c'est le soleil"

dicton Shiksaw

Une mutation dans l'air, dans l'eau, dans le sol même et récemment jusqu'à l'axe de la planète qu'on a déplacé signalent que dans les allées parsemées de fleurs et de feuilles qui éclosent ce n'est pas seulement le Printemps qui s'annonce. C'est aussi un changement imprimé à cette Terre que nous aimons si mal.

Des désirs s'expriment, des peurs s'affirment, des folies se confirment.

Collectivement on a fait fort; individuellement nous persistons à battre des cils de vierge effarouchée mais c'est un statut auquel nous ne pouvons cependant prétendre: nous sommes tous une partie du lot.
C'était un choix, en quelque sorte.


Savoir si le soleil se couche ou se lève sur l'Empire
Non que nous ayions expréssément choisi le nucléaire ou que nous regrettions les centrales à gazfioulpire.
Mais nous voulons toutes ces merveilles technologiques: fer à repasser wifi, home cinoche, munition explosive à éclatement relié;nous prenons l'ascenseur pour le deuxième étage, le TGV pour gagner une heure sur quatre, l'avion pour en gagner trois, le surgelé pour manger des crevettes de Madagascar, l'air conditionné en zone tempérée.
L'internet non plus n'a rien de virtuel: la visite d'une des fermes de serveurs d'un grand moteur de recherche, vorace en énergie électrique, est convaincante. Nous sommes sur le shplouc (et ailleurs.truc) grâce à un serveur composé d'éléments douteux assemblés en dix-sept minutes dans des usines où l'esclave moderne use ses yeux et la Terre ses ressources.

Avec nous l'herbe est plus verte
(image garantie sans colorant)
Certains diront que l'on peut avoir tout ça grâce à l'énergie du vent et du soleil.
Mais pour obtenir autant de mégaouate qu'aujourd'hui faudra t'il une hélice sur la casquette de chacun, des panneaux solaires dans le dos de tous?
Sans se pencher sur les constituants polluants nécessaires aux panneaux, aux éoliennes et surtout, aux batteries?
Sans parler des dérapages de cette industrie dont le lobby est déjà bien en place?

Donc ni ni comme disent ceux qui pensent que le racisme à table n'est pas pire que la boutique adverse.
Car nous n'avons plus ni la tête ni les pieds sur terre.

Depuis trop longtemps

Toutes choses qui nous renvoient à cette idée que l'individu peut influer sur le collectif.
Le choix n'est ainsi pas plus éthique que politique, pas plus moral que pratique. Mais pas moins non plus.

Quelle équation faut-il établir entre l'âme, l'esprit et le ventre?
L'idée que le Japon -civilisation exemplaire-vient de démarrer le processus de sa fin vous fait-il mieux aimer vos charentaises?
leblase va t'il devenir bien-pensant, et faut-il bien-penser?
Un soutien-gorge bien garni est-il plus Pascalien qu'une déclaration des droits de l'homme larguée par un Rafale?
Ceux qui croient en un être suprême auront-ils des tentacules au Paradis?


Version imprimable L'horizon barbelé

ce qui gonfle éclate


"La contradiction est un indice de vérité"

Hegel, La science de la logique


Le succès du pamphlet de Stephane Hessel irrite: les habituels intellos du système, genre Cyrulnik-Ferry défendent la thèse selon laquelle l'indignation, par le surcroît d'émotion qu'elle induit, nuirait à la lucidité, voire au sens de la réalité.
Voilà des gens raisonneurs et raisonnables.
Des gens qui connaissent, que dis-je, qui possèdent le réel. Le réel est à eux, le réel est eux.

De leurs bouches rémunérées coulent pourtant des mots sans pensée, des discours d'escalators répétés, copiés, canalplussisés.

Ils représentent en celà une logique qui ne coûte pas cher en réflexion, une analyse d'occase.

Reléguer l'indignation à un caca nerveux pour vieillards séniles ou ados immatures ne suffira pas à parer ce que représente l'engouement populaire pour "indignez-vous".

Car l'indignation n'est pas qu'un surcroît d'émotion:


elle est le ferment indispensable à la révolte.

En 2005, dans un billet célèbre dont j'ai la flemme de retrouver la trace, les Ets leblase avaient prophétisé (barbe, montagne, foule féminine en adoration, ahhh..Que de souvenirs!) les "mouvements" ou "émeutes des cités".
Aujourd'hui la direction, cloitrée dans ses bureaux par ses employés ultragauchistes et obligée de se nourrir du caviar réservé aux signatures de contrats, le communique:

la révolte est bien ce qui frémit en Occident, en Chine, en Russie, où des fortunes colossales augmentent de façon automatique alors que parallèlement les populations font face à la montée de misères diverses allant de l'appauvrissement matériel et culturel à ce que l'on appelle désormais, tant c'est répandu: le déclassement social.
La révolte est ce qui anime les rues voisines du Maghreb, d'Inde, du Moyen-Orient.
Alors oui c'est vrai, O penseurs télévisés: les Gavroche qui montent sur les barricades face aux canons de l'Armée, jeunes iraniens face à la sauvagerie des pasdaran, jeunes tunisiens ou algériens qui n'ont que des pierres contre des fusils oblitèrent la réalité des forces en présence (Heu.. en fait 70% des Algériens, dirigés par des octogénaires, ont moins de 30 ans).
Mais ils sont poussés par le feu de la faim, la blessure de la honte que procure l'invisibiité.
la terreur d'être jeunes et déjà jetables.

Leurs parents eux-mêmes voient le sol glisser sous leurs pieds, entendent les mots creux de leurs élus impuissants: ils s'adonnent alors aux voix illusoires du yaka genre Tea parties, intégrisme islamique ou Front National, qui arrivent par le même bateau (revoir "la croisière s'amuse").
 

Que la république ne devienne une coque vide


Quelle voix portera la vérité partagée et déchirée du vécu, au-delà de la condamnation, de l'outrance ou de la solution à deux balles?

Qui est assez fou pour aborder certaines problématiques de fond, dire que le système mondial tel qu'il est organisé ne peut plus employer, loger, soigner, nourrir, abreuver, éduquer tout le monde et qu'en conséquence se préparent des zones de fausses prestations sociales?
Qui dira que les gigantesques camps de réfugiés, qui sont des parcs d'humains neutralisés et non pas des Clubmed pour déplacés, prendront surement une forme douce et masquée en Occident mais qu'ils finiront par arriver?


L'ascenseur social en panne,
les escaliers seront occupés par la sécurité privée.

Quand cessera l'épuisante prosternation de la pensée économique devant ce qu'on appelle le "libre-échange", lequel n'est d'ailleurs ni libre ni un échange?
Comment franchir les limites du raisonnable et créer des espaces illogiques?
Comment dénuder le baratin du secret défense, l'alliance de fait du terrorisme avec l'antiterrorisme.
Le mensonge politique global proféré par des gens de (parfois) bonne foi?
N'a-t'il pas fallu de tous temps s'outrepasser, refuser le déni du réel officiel et endosser la tunique de la folie pour voir ce qu'on ne doit pas dire et dire ce qu'on ne doit pas voir?

Ceux qui ont perdu le sens de la réalité ne sont-ils pas ceux qui ne s'indignent pas, qui ne sentent monter en eux aucune révolte, ne ressentent aucune gêne?
Les barbelés sont-ils la ligne de l'horizon?
Aimez-vous les pousse-pieds?





Version imprimable Egal rien


"Aux Barbies®™, il faut des barbus"

Ben Laden, Lettre à Lady Gaga

"Aux barbus™®, il faut des Barbies"
Lady Gaga, letter to Benny


La liberté consciencieusement surveillée par les services secrets, la fraternité dissoute dans le compte en banque, restait l'égalité.
En 80 l'égalité était un combat, en 90 un slogan, en 2000 une utopie.
On hésite encore à savoir si en 2010 ce n'est pas une insulte.

En attendant, mon bras gauche n'est pas l'égal de mon droit, mon rez-de-chaussée l'égal de mon premier étage, ma limousine l'égale de ma berline.

Ça fait drôle de réintégrer les pénates du shplouc,
ce lieu où les héros s'affirment.

Un Haïtien qui aurait réchappé aux violences politiques ou au banditisme, aux tremblements de terre, à la noyade et au cholera et qui obtiendrait un micro-crédit (le truc le plus dynamique actuellement là-bas)

sans yeux, sans bouche, sans oreilles
 
serait l'égal d'un député UMP obligé de lêcher les pompes de son président ou d'un ultragauchiste qui vend des légumes en Corrèze entre deux contrôles judiciaires, c'est-à-dire égal dans la soumission à un système mondial déshumanisé.
Franchement non d'ailleurs on s'en tape.
Le déplacement du centre du monde vers l'Asie (où, signe de suprématie, il y a toujours un prix Nobel en taule) ça c'est un sujet mais qui nous est égal, parce qu'on n'a plus l'impression de pouvoir peser sur qui ou quoique ce soit; parce que le mot du monde est une telle illusion face à ce que l'on ressent parfois en soi-même; parce que les matins blêmes se lisent sur de plus en plus de visages ici même en Europe.

Un Pashtoune armé qui croit défendre sa religion dans son pays envahi de zygues blindés est-il l'égal d'un pioupiou surarmé qui croit défendre la liberté du Pashtoune?
Qui veut être l'égal de l'autre, vraiment!
Mollah Omar, enfermé dans la certitude de détenir la volonté de dieu est-il l'égal sexuel de la fille de ma concierge qui elle-même ne se pose plus la question de savoir si ses fesses ont ou non le droit à l'air libre?
Nous le savons:
l'égalité c'est tout dans la tête
l'égalité est une chimère inatteignable et c'est d'ailleurs peut-être mieux ainsi, tant l'égalité de fait peut signifier sclérose ou Pol Pot.
Pourtant cette aspiration utopique idéale n'est-elle pas la conséquence de ces périodiques prises de conscience qui nous rappellent que nous sommes ensemble, nous tous humains, étonnant résultat biologique doté d'une incroyable aptitude au rêve?
Pour un pire (qui n'est pas sûr) et pour un meileur (qui reste à venir) dans ce globe tournoyant sur lui-même?

L'égalité a t'elle de l'avenir, si l'avenir nous est égal, quand le présent est à échéance et le passé recomposé?
Y avait-y besoin de réécrire un billet si c'est ça le résultat?
Peut-on se contenter d'un monde dont un quart appartient à 2% de la population?


cadrer le monde
c'est le raboter à l'égal
N'est-il pas humiliant d'accepter (ou d'arrêter) de penser dès lors qu'ici on nous brandit le mot démocratie comme on brandit le mot dieu ailleurs?





Version imprimable Ich binh ein zygeuner

Désodoriser le peuple


"Depuis que je suis rentré de là où j'étais, j'ai très envie d'être là où je serai."

Madé, Djalan-djalan, 1972

Un truc d'air, probablement.

C'est que ça ne sent pas la rose à cet instant précis de notre histoire nationale, trouvez pas?

C'était pendant les vacances d'été, à la campagne.Je devais avoir 14 ans et j'avais rejoint (en Mobylette, siouplait) mes copains à la fête au village.
Les manèges et attractions, la pêche aux cadeaux, les auto-tamponneuses, les barbes à papa, les flonflons n'étaient pour la bande de petits jeunes que le prétexte à l'éveil d'une opportunité amoureuse.
Au stand de tir j'alignai les records: cadeaux foireux genre peluches ignobles, vins mousseux, trucs idiots s'accumulaient. Ma bande criait des hourras, Madeleine la soeur de mon pote Jean-Marie me faisait les yeux doux. Josyane, qui était une vieille de 17 ans, se frottait contre moi.
Ma tête commençait à tourner, puceau et catho que j'étais, soudainement troublé par les rondeurs et douceurs de ces filles. Imperturbable, semblable à une jeune Sofia Loren dans le film Boccace 70, la jeune gitane qui tenait le stand chargeait mon fusil, prenait des poses altières et me récompensait en primes-cadeaux.
Au soir tombé, j'entrainai Madeleine un peu en-dehors et roulai ma première pelle.
Dans les fourrés alentour mes copains nous épiaient, riant comme des crétins de nos âges. J'enlaçai Madeleine pour un autre baiser comme au cinoche quand soudain la gitane du stand de tir surgît.
Sans rien dire elle nous écarta l'un de l'autre et, me fixant droit dans les yeux, se mit à danser.
Sa robe moirée virevoltait, reflétant les lumières du bal. Alors qu'elle tournoyait sur elle-même, ses jambes révélées par le mouvement, mes amis puis des curieux s'approchèrent. Nul ne parlait: les gens de la campagne, le fils de bonne famille que j'étais, ma (nouvelle) petite copine, un ou deux forains, tous fixaient la magie, le charme de la tentation.
La fille dansait, dansait, tournait sur elle-même, me regardant toujours, sans sourire, son port de tête disant bien où était la noblesse.
Soudain, elle s'arrêta.
Sans accorder la moindre attention à ce qui nous entourait elle alla droit sur moi, prit ma main et m'entraîna hors du cercle, jusqu'à une caravane.
Depuis, si pour tout le monde les nomades ne font que passer, je sais que pour le gitan les gadjo ne sont que les occupants intermittents d'un décor qui défile.




En 2005,6,7 l'odeur de racaille heureusement lavable au Karcher® venait de la jeunesse des cités, désignée débile, violente, malhonnête, inculte, sans emplois, non-intégrée bien que parfois intégriste, et pas contente.
Mais faut varier.
Aujourd'hui donc c'est les Roms (dîtes à un Roumain qu'il est gitan et il vous crache à la gueule), qui seraient à la fois des Roumains, des Romanichels et des "gens du voyage" (terme de chiotte, mais si on dit Tzygane ça renvoit à, heu... Bon, les Allemands disent Zigeuner, et le disaient déjà en 1940).
Ces Bohémiens sans emplois, mendiants, exploiteurs d'enfants qui saignent notre Sainte Sécu et nos allocs tout en roulant dans des caisses de luxe, de préférence allemandes nous précise Brice le Moite toujours serviable.
Nos édiles élues en difficulté sur leurs plans de carrière ont sorti le vieux truc: bannir les faibles, pauvres, pas d'ici, non-intégrés et persécutés chez eux .
Vaporiser  le parfum épurateur des charters sur ces gens qui ne se lavent pas dans les salles de bains qu'ils n'ont pas, n'envoient pas leurs gamins à l'école qui ne veut pas d'eux puisqu'ils n'ont pas le droit de rester, et ne bossent pas dans les entreprises qui les refusent.

Ces gens puent l'Autre.
Or l'Autre a ce parfum insupportable: la senteur dégeu du dehors.


Donc le Rom, pour aujourd'hui.

Peut-on grandir assis?
Peu de mal législatif supplémentaire leur sera fait ici, mais le vrai mal est ailleurs: il est dans la parole de haine ostraciste désormais officialisée par les déclarations des loubards qui nous gouvernent, eux-mêmes parfaitement intégrés mais persuadés de ne pas refouler des aisselles.

Un discours puant qui se répand hélas dans presque toute l'Europe, au même moment.

Les nomades sont-ils malhonnêtes, et les sédentaires des références de probité?
Comment ceux qui vivent sur la route ont-ils réussi à survivre malgré la méfiance voire la haine qu'ils suscitent?
Pouvons-nous admettre que la notion de nationalité soit floue pour celui qui fait tourner la Terre, vaseuse pour celui qui pense que l'individu a encore droit à l'existence, irréelle pour l'astronome?
leblase va t'il continuer à vous infliger ses mémoires?
N'est-il pas possible à certains de comprendre qu'il est des peuples qui meurent s'ils prennent place?
Franc-tireur n'est-il pas un plus joli mot que sniper?
Avez-vous déjà gagné un lapin en fourrure synthétique bleue?



Version imprimable Où est-je?

La carte bleue ne montre pas la mer


"Le fauve se termine par le champ, comme la nuit par le jour "

Léon Dropezaune, Vie du douanier Rousseau
 

Là je fouette. J'ai pas encore écrit un mot sur le sujet du billet, j'ai déjà peur. Je sens comme une immense responsabilité.
Y a de quoi: le dernier billet causait de la Nature, les tits zoizeaux, les sardines, un peu comme dans un skyblog.
Résultat?
Hmm?
BP.
Plus exactement Deepwater, pétrole, forage, catastrophe titzoizeaux tout sales, sardines dégueus, comme si les aimables employés de Brit Pet' avaient percé un gros comédon sur les flancs de Nature.
Pour l'instant dans un moment d'esbrouffe Obama et BP ont décidé de faire croire que le pétrolier allait payer 20 miyards.
Mais imaginons qu'au lieu de s'ennuyer à cocher les noms des mecs sur qui il va envoyer un drone au Pakistan, le Prix Nobel de la Paix décide que rien ne serait arrivé si le shplouc n'avait pas causé de la Nature? (si à ce stade vous pensez qu'il me faut des médicaments anti-parano, je peux vous promettre qu'une dose d'aspirine vous sera utile à la fin du billet)
Et qu'il dise: soit les Ets leblase remboursent la dette de BP, soit on les drone.
Vous je sais pas, mais moi ça me gâcherait les vacances des enfants, légitimes et naturels.
Devant une telle menace il importe d'avoir une bonne assise

D'un autre côté ce qui me sauve, c'est justement moi. Car la vraie question du 21ème siècle n'est plus qui suis-je, mais où suis-je?

Qui je suis c'est facile: à part Brice le Moite, n'importe qui peut consulter un moteur de truc et constater les milliers de références qui cachent la vraie mais me permettent tout de même de faire pression sur les SAV, les compagnies d'avion et les meilleurs restaurants de Berlin.
Qui je suis pour l'autre c'est selon son humeur, ma dette ou la sienne, s'il y a ou non une femme, un boulot, une place de parking entre nous. S'il y a prééminence ou juste éminence.

Mais où suis-je?
Ce ne sont ni les cartes de crédit, les GPS de mon telephone, les ip ou autres caméras de surveillance qui le diront.

En effet, où commence moi?
Dans ce lien de deux êtres?
Où finis-je?
Si l'on sait depuis Michelin que la carte n'est pas le territoire, depuis Platon que je n'est pas un, depuis Freud que je n'est pas ça ou comme Leibnitz que je n'est pas ici non plus, on ne sait pas encore si, comme dans un dessin de fix
ici dessin de fix représentant un lapin ivre besognant un tanard
je finis quand tu commences.
L'Autre est-il qui nous ne sommes pas ou ce que nous ne sommes plus?
Donc qui est nous, si ce n'est, précisément, ceux qui sont là?

Quand je dis moi, c'est toi aussi, bien sûr.
Ce toi exclut-il les autres comme le moi s'indivise?
Le mot couché sur un papier, la trace de lèvres rouges sur un col, le cratère de la bombe disent plus le passage du temps qu'un aperçu d'espace: ils sont un moi avant, mais pas un moi ici.

Ainsi commence Untel, à ce bord de moi-même.



Peut-on dire en regardant la Terre qu'un coin est vous? A vous? Ou que vous y êtes?
Si vous avez répondu oui à une des trois précédentes questions, avez-vous déjà vécu dans une salle capitonnée, vêtu(e) d'une chemise à manches looonnngues?
Lorsque vous tapez leblase sur mappy ou gouglemap, êtes-vous gratifié d'une photo?
Si oui, est-ce un lieu?
Sinon, un non-lieu comme disait la Cour?
Savez-vous que l'on investit des sommes folles pour cartographier non plus la planète, mais la Vie?
Qu'est-ce qu'un bon plan?
Et si l'Autre, c'était toujours l'autre centre du monde?





 


Version imprimable Je penche donc je fuis




"C'est beau l'Océan, mais que de terrain perdu!"

Maupassant, in "Monnier"



On se dit c'est ben triste, va.. Tous ces gens qui ont des catastrophes en veux-tu en voila, que je te massacre au Congo/Guinée/ailleurs, que je t'opprime en Birmanie/Corée du Nord/Zimbabwe, que je te mets des bombes antifoule en Irak/Afghanistan/Pakistan/ailleurs, que je te crève de faim en Ethiopie/Corée du Nord (encore?)/Zimbabwe(encore?)/ailleurs et que je te secoue la terre en Haïti/Indonésie/etc.
Sans parler de la police politique, la terreur, les tortures, l'arbitraire, les clowns, etc etc.

Ce qui fait dire à certains que puisque nous vivons dans une société si mieux meilleure si bien bonne, on n'a aucune raison de restreinde cette surveillance qui nous protège: vivent les caméras dans la rue, les contrôles faciès, Loppsi,les scans intégraux et les profilages.


du genre, j'ai rien à cacher

Parce que nous, t'vois,qu'est-ce qu'on a comme cata? la crise.. Que dalle, quoi.
Et encore on appelle ça la Crise avec un grand c comme dans Cul et Chemise pour faire bien, mais au bout du compte chacun prend sa bagnole pour pointer au chômage une fois lancé le programme de la machine à laver/lave-vaisselle/four/enregistreur DVD.
Comment ça se fait qu'on est si bien si heureux?
Si libres.
C'est qu'on est en plein Droits de l'Homme, qu'on vote, qu'on est républicains, civilisés depuis avant tout le monde toujours longtemps un moment et qu'on le saurait si on était, heu..muselés.

Une société éclairée, une démocratie ouverte.
Comme nous.
Cette administration de nos vies qui nous permet toujours d'envisager l'impossible, grâce à l'égalité des chances, que y a pas à dire c'est pas pareil partout mais ici, si: il suffit de connaître quelqu'un.

Vu qu'on est presque tous quelqu'un, y a une issue à tout
 
Bien sûr, Toute cette richesse, ce bien-être, cette immense culture dans laquelle nous baignons du soir au matin et qui nous permet de déceler le Bien du Mal ne serait rien si nous nous fermions à ce qui nous entoure. Or il n'en est rien:
 

toujours nous gardons une fenêtre sur le monde

Et une fois qu'on a regardé le monde, ben on est contents de rentrer chez soi, hein; confiants dans nos instances dirigeantes qui savent ce qu'elles font, nos juges intègres, nos journalistes impartiauxet lucides, nos profs consciencieux et syndicalisés, nos intellos écorchés au chouette look. Sans oublier le web, hein: lemonde.fr, CNN.com, leblase.net, pravda.ru, bbc.uk.co, services-publics.nkm, lepape.god, etc.etc, qui maintiennent une veille sur la liberté, l'ouverture d'esprit qu'on n'a pas, par exemple, là ou là.

Des fois qu'on serait terroristes ou pédopornograves

Cette sérénité officielle ne ressemble t'elle pas au bonheur Total?
Ces richesses disponibles ne nous confinent-elles pas dans notre propre absurdité?

Ce consensus condescendant sur les désordres des banlieues (voleurs ou voilées), cet apitoiement consterné sur les crimes sordides des petites gens (chérie, t'as mis le bébé au congélo?), ce juste courroux face aux vilains voleurs d'élections (putains de religieux politiques/militaires sous coke/partis politiques clientélistes, va), ces larmes éclairées sur les malheurs des autres (t'as vu, les vacances à Haiti ou au Yemen c'est rapé) sont-ils sincères?
Ne croyez-vous pas plutôt qu'on nous les sert comme garde-fous?
D'ailleurs, êtes-vous du côté des gardes ou du côté des fous?