L'appel et la pioche
Car le Savoir creuse
"Il existe deux réponses fondamentales au mystère de la vie:
la première est une question.
Savez-vous quelle est la deuxième?"
On s'émerveille en lisant la biographie des grands Anciens et Anciennes, de constater l'intensité avec laquelle ils abordèrent la vie, une intensité généralement manifestée par la soif d'apprendre, l'interrogation du monde, l'urgence d'ouverture, l'exigence sur eux-mêmes.
Ceci quasiment jusqu'à la dernière minute de leur vie.
Des trucs qui se traduisent souvent par des questions.
Alors que le monde nous semble étouffant de réponses, l'Univers encombré de savoir, les esprits tétanisés d'affirmations, les lois exigeantes de certitudes définitives, la rebellion est dans le doute.
ce qui nous est encore caché est notre vraie richesse.
Plus ça va plus le jour qui se lève comme une surprise, le soir qui se couche comme une interrogation, la route qui se cache comme le gué d'une rivière à trouver sont le souffle sans lequel tout est mou, flou, pou.
Le vent sans lequel nos vies se vivraient sans nous.
Des trucs qui se traduisent souvent par des questions.
Mais il y a question et question, et c'est ça qui vous pose un homme (ou une femme, comme disait George Sand).
Prenons deux-trois exemples simples, au hasard.
Lorsqu'au moment de s'effondrer Jules César s'exclame:"Toi aussi mon fils?" * il faut reconnaître que ça n'a d'intérêt qu'au sein de son cadre strictement familial.
Ce qui est décevant pour un Empereur, s'pas?
Alors que le "Pouvez-vous répéter la question?" * de Beethoven, montre que le vieux Ludwig ne restait pas sourd aux suggestions de Liszt, Franz.
Ainsi, si la dernière phrase de Gandhi :"Quand est-ce qu'on mange?" * nous apprend qu'il devait être un peu avant vingt heures en Inde, le "Ce n'est rien" * d'Henri IV après sa rencontre avec Ravaillac prouve qu'il avait encore à apprendre la mesure des choses.
Et des comme ça, je pourrais vous en remplir des lignes.
A mesure que j'avance (avec la prestance que vous me connaissez) dans la vie, je continue de m'étonner lorsque je rencontre ces hommes et femmes pour qui tout est réglé, coincé dans le marbre, coulé dans le bronze.
Des gens plein aux as et des crève-la-faim, qui se trouvent devant ce qui leur reste à vivre comme devant un tapis roulant: ça avance mais ils ne bougent pas.
A force de rencontrer des gens et des pipeuls, je m'étonne qu'un aussi grand nombre d'entre euxelles, parfois hyper sympathiques, drôles, cultivés, intelligents, me disent: "Tiens, j'y avais jamais songé?" .
Du coup je me demande dans quelle mare d'inertie je suis moi-même, je me demande quelle part de mon être a cessé de fouiller?
Si tant de personnes ont adopté un programme religieux, pensez-vous que ce soit pour ne plus avoir à se poser cette question de l'après, juste avant?
Faut-il continuer à apprendre, sachant qu'on ne l'emportera pas au Paradis?
Auriez-vous préféré naître, déjà nanti de tout un savoir?
Vaut-il mieux vivre l'ivresse de la révélation ou l'angoisse de l'énigme jamais résolue?
Pensez-vous que leblase soit un maniaque de la question uniquement parce qu'il trouve que le point d'interrogation a une jolie forme? ? ? ????? ?
Peut-on être et cesser d'en douter?
*Authentique
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