Etrangement n'être
Hard corps
"Seul à être bien, c'est être bien seul"
La majeure partie de notre volonté s'oriente -presque dès le moment où notre main saisit un objet- à la fois vers le désir d'accaparer tout à soi et celui de la fusion dans un groupe: distinction et dissolution individuelle dans un espace social.
Tout notre acharnement à nous distancier et nous distinguer des autres semble n'avoir pour but que de parvenir à nous fondre dans une nouvelle série composée de groupes humains.
Chaque fois nous quittons un cercle pour rebondir dans un nouveau; nous tentons de grimper de strate en strate. Ce faisant nous délaissons une identité locale pour pénétrer, étrangers, dans un autre ensemble.
Chaque fois il nous faut apparaître
capables d'apporter et de s'imprégner.
Progresser implique de devenir un étranger à répétition. Apprendre et découvrir nécessite l'intrusion.
Impose de déranger, dans le sens où l'on modifie l'arrangement de l'espace dans lequel on pénètre.
Selon les lieux, les choix, les orientations, eh ben...ça se déroule plus ou moins bien.
Quoiqu'il en soit ces étapes, ressenties parfois douloureusement ou amorcées sans enthousiasme sont un élément essentiel de l'animal social qu'il nous faut accepter d'être.
Déjà qu'on est soumis à la culture centripète de la mère-patrie qui nous fait passer par des moments pénibles pour l'intelligence du style ton pays X est ce qui se fait de mieux y a qu'à voir le reste donc bouge pas.
Sauf que.
On va voir le reste, et la même chose se passe partout, mais je diverge.
Mais voilà disai-je. Faut donc s'arracher aux liens précédents.
Franchir l'espace où nul lien n'existe plus et accepter la perspective d'être considéré afin d'être admis à ce nouvel environnement/statut choisi.
Ou rejeté comme une tâche, bien sûr.
C'est dans cet espace vide, entre le groupe social que l'on quitte et celui vers lequel on se dirige que peut survenir le moment de grâce.
En Europe c'est la compagnie Air France qui convoie le plus grand nombre de refoulés de force. Ces refoulés qui ont souvent traversé des épreuves effroyables pour parvenir jusque dans notre pays exemplaire, sont parfois accompagnés par des flics et menottés à leur fauteuil. Comme on sait, il arrive même qu'on leur scotche la bouche s'ils font du scandale.
Protester contre ce genre de traitement si vous êtes par hasard dans le même avion peut vous valoir d'être mis en examen pour obstruction à la justice.
Ne devons-nous pas voir dans cette misérable chaîne d'actions un signe que malgré cette démocratie dont nous nous rengorgeons sans cesse nous sommes de plus en plus forcés à nous débarrasser de notre humanité, empêchés d'aller vers cet autre nous-même qui ne fait rien d'autre que ce que nous ferions à sa place? Les "conditions nécessaires au maintien de notre style de vie" ne font-elles pas qu'au bout du compte nous devenons inertes?
Insensibles?
Intouchables? Perpétuellement informés du monde et perpétuellement aveugles à nos semblables?
Coupables de non-assistance à esprit en danger?
Le principe d'efficacité maximum et le recours aux statistiques comme références morales ne sont-ils pas en train de nous faire dévisser?
leblase va t'il reprendre la soutane maintenant que Benoît a décidé qu'on referait la Messe en Latin, le curé tournant le dos aux fidèles?
N'apparaissons-nous pas aux yeux des adolescents ou aux populations des pays émergents, gavés et pétés de chance que nous sommes comme disait Jo, comme des monstres aussi inhumains finalement que les lavés du cerveau qui se kamikazent?
Peut-on disposer d'un tel espace où s'attardent des personnalités aussi riches et sensibles que vouzotres sans rappeler de temps à autre combien l'objectivisation de notre statut humain nous dépossède de l'incertitude?
Combien elle nous affranchit du désordre, qui pourtant semble être la source de la création s'il faut en croire l'origine du mot chaos?
Qu'il faut rouvrir le bordel?
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